WASHINGTON D.C., 15 juillet 2019 (VCHR) – Le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme (VCHR) se joint aux mille militants de la société civile, leaders religieux, décideurs, universitaires et représentants de gouvernements qui se réunissent pour la Ministérielle pour faire Avancer la Liberté Religieuse (Ministerial to Advance Religious Freedom) qu’accueille, à Washington D.C., le Département d’État américain du 16 au 18 juillet 2019. Il s’agit de la seconde Ministérielle qui s’appuie sur les mesures adoptées et projets lancés lors de son édition inaugurale l’an dernier. Trois membres du VCHR ont été invités à participer à cet événement de haut niveau, à savoir le Président du VCHR Võ Văn Ái, sa Vice-Présidente Penelope Faulkner et son Secrétaire Exécutif Võ Trần Nhật.
« Les violations de la liberté de religion ou de conviction se multiplient autour du monde », a dit le Président du VCHR Võ Văn Ái. « Au Vietnam, les communautés religieuses font l’objet de harcèlement au quotidien, et ceux qui défendent la liberté religieuse et les droits de l’Homme doivent faire face à des agressions, des arrestations, la torture et la prison. A cette Ministérielle, nous pressons le gouvernement américain et tous les autres gouvernements participants à prendre des mesures concrètes pour pousser le Vietnam à respecter le droit à la liberté de religion ou de conviction et à s’engager vers de vraies réformes législatives et politiques ».
A l’occasion de cette Ministérielle, Võ Văn Ái a lancé la déclaration suivante :
LIBERTÉ DE RELIGION OU DE CONVICTION
UN DROIT DE L’HOMME MENACÉ AU VIETNAM
Déclaration du Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme
à l’occasion de la Ministérielle pour faire Avancer la Liberté Religieuse
Washington D.C., 16-18 juillet 2019
Le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme (VCHR) salue l’initiative du Département d’État américain de tenir la deuxième Ministérielle pour faire Avancer la Liberté Religieuse (Ministerial to Advance Religious Freedom) à Washington D.C. du 16 au 18 juillet 2019. Cet événement de haut niveau, sous les auspices du Secrétaire d’État Mike Pompeo, rassemble des représentants des gouvernements et plus de mille militants de la société civile, leaders religieux, décideurs et universitaires venus du monde entier. Plus de 80 manifestations et événements en marge de cette conférence sont organisés pour traiter de toutes les défis de la liberté religion ou de conviction. L’Ambassadeur Extraordinaire américain pour la Liberté Religieuse Sam Brownback l’a lui-même décrit comme « le plus gros événement sur la liberté religieuse jamais organisé dans le monde ».
Ce grand rassemblement arrive à point nommé alors que tout autour du monde, le droit à la liberté de religion ou de conviction est menacé. Les études du Pew Centre montrent qu’environ 80% de la population mondiale vit dans des régions où existent de graves restrictions religieuses voire une hostilité absolue, et que les violations de cette liberté vont croissantes.
Il faut ajouter que, si le droit à la liberté de religion ou de conviction est largement reconnu comme une facette centrale des droits de l’Homme, il reste un droit mal compris. Il existe non seulement des conceptions et des approches de la liberté de religion ou de conviction très différentes, mais en plus, elles s’opposent parfois directement. Pour certains, c’est un « luxe », le « parent pauvre » des droits de l’Homme. Pour d’autres, le droit à la liberté religieuse est « le premier et le plus important des droits », celui qui prime sur tous les autres.
Dans ce contexte, nous sommes particulièrement préoccupés par le récent projet de « revisiter » le concept même de liberté religieuse et de droits de l’Homme, avec la création d’une « Commission sur les Droits Inaliénables ». Cette Commission a pour mission de faire la distinction entre les droits originels inaliénables et les « droits ad hoc », et d’établir une hiérarchie entre les différents droits humains, avec au sommet la liberté religieuse. Cette initiative est très inquiétante puisqu’elle risque de saper tout le système international des droits de l’Homme et d’avoir de graves conséquences pour la vie de millions de personnes vulnérables et des générations futures.
Le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme souhaiterait profiter de cette Ministérielle pour rappeler les caractéristiques fondamentales de la liberté de religion ou de conviction telle que garantie par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et des instruments internationaux de protection des droits de l’Homme :
- La liberté de religion ou de conviction est un droit universel dont chacun peut jouir du seul fait de son appartenance à la famille humaine ; les États ne peuvent ni créer ni abolir ce droit ;
- La liberté de religion ou de conviction n’est pas limitée aux seules religions. Elle comprend le droit à la liberté de pensée et de conscience, et concerne toutes les religions, fois, convictions et philosophies de vie qu’elles soient théistes, non-théistes ou athées. En ce sens, elle peut être appelée la mère de toutes les libertés puisqu’elle est celle de la conscience, c’est-à-dire le cœur même de l’identité de chaque être humain ;
- La liberté de religion ou de conviction ne protège pas les religions. Elle protège les personnes. Une personne qui suit une religion ou qui n’en suit aucune jouit de la même protection et des mêmes droits, qu’importe qui elle est ou le lieu où elle vit. Aucune religion n’a le monopole du droit à la liberté de religion ou de conscience ;
- La liberté de religion ou de conviction ne peut exister isolément. Elle est indivisible, interdépendante et liée à tous les autres droits de l’Homme. Ces droits se renforcent mutuellement dans la lutte contre l’intolérance et pour la construction de sociétés fondées sur le respect de la dignité et la liberté pour tous ;
- La liberté de religion ou de conviction, comme les autres droits humains, est fondée sur la non-discrimination, l’égalité, la dignité humaine et le respect de la diversité.
Au Vietnam, ce sont précisément ces notions de liberté, diversité et pluralisme qui sont perçues par le gouvernement comme des menaces. Dans cet État à parti unique, ceux qui expriment des croyances ou des opinions en désaccord avec celles du Parti Communiste du Vietnam doivent faire face aux harcèlements, arrestations et emprisonnements pour « menace à la sécurité nationale ».
Alors que le gouvernement tolère un semblant de liberté de culte, la véritable liberté de religion ou de conviction reste taboue. En effet le Vietnam, comme la Chine, vit dans la peur d’un réveil spirituel où la jeune génération tiendrait de plus en plus compte des appels de puissances transcendantes que le Parti Communiste ne peut contrôler.
Bravant la répression gouvernementale, les membres de l’Église Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV) indépendante, les Catholiques, les Protestants, les Hoa Hao, les Khmers Krom et les adeptes des autres communautés religieuses continuent la lutte pour la liberté de conscience et pour une société meilleure et plus respectueuse des lois. Tôt ou tard, les autorités communistes seront obligées d’écouter leurs voix.
Ces dernières années, parallèlement à la répression politique, aux détentions et aux harcèlements, le Vietnam utilise la loi pour restreindre la liberté religieuse. La Constitution amendée garantit la liberté religieuse mais déclare que personne ne peut « abuser de la liberté de religion pour menacer les intérêts de l’État ». Le Code pénal de 2016 contient tout une série de dispositions vagues et fourre-tout sur les crimes contre la « sécurité nationale » – dont beaucoup prévoient la peine de mort – qui criminalisent la dissidence politique et religieuse, comme les articles kafkaïens sur le fait de « saper la solidarité nationale », « semer la division entre les personnes religieuses et non-religieuses », ou « abuser des libertés démocratiques ». Ces lois permettent au Vietnam d’annoncer cyniquement à la communauté internationale qu’« il n’y a pas de prisonniers religieux ou politiques au Vietnam, seulement des personnes qui ont violé la loi ! »
La liberté religieuse a encore régressé au Vietnam avec l’adoption de la « Loi sur la Croyance et la Religion » qui est entrée en vigueur en janvier 2018. Plutôt que de fournir un cadre protecteur pour la liberté religieuse, ce texte impose des restrictions accrues à la pratique religieuse et légalise l’ingérence de l’État dans les affaires religieuses. La loi impose en effet un système draconien d’enregistrement que l’État peut accepter ou refuser arbitrairement. Le plus inquiétant est qu’elle met pratiquement hors-la-loi les groupes religieux non-enregistrés. Les textes annexés à cette loi imposent de lourdes amendes aux personnes qui mènent des activités religieuses non-approuvées par l’État. Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, les violations de la liberté religieuse ont explosé et les membres de l’EBUV et des autres communautés religieuses indépendantes, qui refusent le contrôle généralisé du Parti, se retrouvent dans une situation d’extrême vulnérabilité.
A l’occasion de cette Ministérielle, le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme appelle le gouvernement américain et tous les autres gouvernements participants à bien faire comprendre au Vietnam ses obligations internationales de respecter la liberté de religion ou de conviction. En particulier le Vietnam devrait :
- Libérer immédiatement et inconditionnellement toutes les personnes arbitrairement détenues pour l’expression pacifique de leurs croyances religieuses ou de leurs convictions ;
- Amender la Loi sur la Croyance et la Religion et tous les autres lois et règlements concernant la religion pour les rendre conformes avec les normes internationales inscrites dans l’article 18 du PIDCP ; retirer tous les obstacles qui entravent la pratique des activités religieuses pacifiques ;
- Garantir que l’enregistrement des groupes religieux soit optionnel et non obligatoire, comme l’avait recommandé le Rapporteur Spécial de l’ONU sur la Liberté de Religion ou de Conviction, et qu’il ne soit pas utilisé pour contrôler les activités religieuses ;
- Garantir que le droit de tous les groupes religieux à pratiquer librement, y compris pour les groupes non-enregistrés comme l’Église Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV), les Hoa Hao et Cao Dai indépendants, les Églises protestantes à domicile ou encore les minorités ethniques et religieuses comme les H’mongs et Montagnards chrétiens ou les Khmers Krom bouddhistes ;
- Revoir sa politique vis-à-vis des communautés religieuses ; les adeptes de ces groupes ne devraient pas être considérés comme des menaces à la sécurité nationale mais être intégrés dans une société pluraliste où ils pourront contribuer au développement spirituel et économique du pays.
Võ Văn Ái
Président, Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme
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