PARIS, 15 décembre 2017 (VCHR) – Le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme (VCHR) se félicite du vote à l’unanimité, jeudi 14 décembre, par le Parlement Européen d’une « Résolution sur la liberté d’expression au Viêt Nam, notamment le cas de Nguyen Van Hoa » qui dresse un panorama dramatique de la situation des droits de l’Homme dans ce pays. Lors du débat sur cette résolution proposée par les cinq principaux partis politiques du Parlement Européen représentant un très large éventail de l’échiquier politique européen (1), aucun député n’a pris la défense du Vietnam et tous ont condamné les violations des droits de l’Homme.

« Le Parlement Européen a profité de la très choquante condamnation du jeune blogueur Nguyễn Văn Hoá et celle en appel de Mẹ Nấm (Mother Mushroom) la veille du dialogue UE-Vietnam sur les droits de l’Homme pour faire une dénonciation en règle de la politique ouvertement et outrageusement anti-libertés du gouvernement vietnamien » a dit le Président du VCHR Võ Văn Ái. « La résolution votée aujourd’hui reprend l’ensemble de nos préoccupations : la répression sauvage que vivent au quotidien les dissidents, les blogueurs, les défenseurs des droits de l’Homme, mais aussi tout l’arsenal législatif anti-droit de l’Homme dont se dote le Vietnam avec par exemple les articles du Code pénal sur la « sécurité nationale » ou la loi sur les croyances et la religion qui doit entrer en vigueur le 1er janvier prochain… ».

La résolution du PE déplore et dénonce en effet les condamnations des blogueurs Nguyễn Văn Hoá (7 ans de prison, le 27 novembre 2017) et Nguyễn Ngọc Như Quỳnh (alias Mother Mushroom) (10 ans de prison, le 30 novembre 2017), qui se fondent sur des articles du code pénal qui sont « contraires au droit international en matière des droits de l’Homme ». Les députés européens s’inquiètent d’ailleurs « de la vaste application » de ces dispositions et demandent au gouvernement vietnamien de « veiller à ce que les préoccupations de sécurité nationale ne soient pas utilisées comme prétexte pour supprimer les droits de l’homme, y compris la liberté d’expression et la liberté de religion et de conviction ». D’autant plus que certains crimes contre la « sécurité nationale » sont passibles de la peine de mort.

Pour le Parlement Européen, les lois adoptées par le Vietnam violent le droit international, comme par exemple la « loi sur l’accès à l’information ainsi qu’une version modifiée de la loi sur la presse, qui restreint la liberté d’expression et renforce la censure » ou encore « la loi sur la croyance et la religion, qui [est] incompatible avec les normes internationales ». Tout comme le Code pénal, elles doivent être révisées.

La résolution considère également que « la liberté de religion ou de conviction est réprimée au Viêt Nam et que l’Église catholique et les religions non reconnues, telles que l’Église bouddhiste unifiée du Viêt Nam, plusieurs Églises protestantes et autres, y compris la minorité ethno-religieuse des Montagnards, continuent de subir une grave persécution religieuse ».

En marge du vote, la députée européenne Soraya Post a, à cet égard, dit : « Je voudrais soulever le cas du bonze bouddhiste Thích Quảng Độ. J’avais demandé à le rencontrer quand j’étais au Vietnam, mais cela n’a pas été possible. Je pense que le gouvernement vietnamien devrait le libérer immédiatement. Il a passé tant d’années en détention. Il n’a fait aucun mal, ce n’est qu’un simple bonze bouddhiste ». Thích Quảng Độ (89 ans), Patriarche de l’Église Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV) a été arrêté en 1982 et a connu depuis diverses formes de détention (prison, camp, exil intérieur, résidence surveillée) et est aujourd’hui assigné à résidence à Ho Chi Minh Ville pour s’être fait l’avocat de la liberté religieuse, des droits de l’Homme et de la démocratie. Mme Post faisait partie de la délégation de la Sous-Commission des droits de l’Homme du PE qui s’était rendue au Vietnam en février 2017 pour évaluer la situation des droits de l’Homme.

« Une fois n’est pas coutume, le Parlement Européen et la Commission Européenne parlent d’une même voix pour déplorer l’aggravation sans précédent d’une répression qui atteint des sommets de brutalité », a dit Võ Văn Ái.

Prenant acte du fait que « l’Union européenne a mis l’accent sur la détérioration des droits civils et politiques au Viêt Nam », notamment lors du dialogue UE-Vietnam, le 1er décembre dernier, le Parlement Européen « s’inquiète de l’approche de plus en plus restrictive des autorités par rapport à la liberté d’expression et d’autres libertés » et « condamne à cet égard le recours, par les autorités, au harcèlement physique et psychologique, aux assignations à résidence extrajudiciaires, aux pressions exercées sur les avocats, les employeurs, les logeurs et les membres de la famille des militants, et à la surveillance intrusive ».

C’est donc sans surprise que le Parlement « demande aux autorités vietnamiennes de libérer tous les citoyens détenus pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression » ; de « lever toutes les restrictions et à faire cesser tout harcèlement à l’encontre de défenseurs des droits de l’Homme et à garantir en toutes circonstances que ceux-ci puissent poursuivre leurs activités légitimes », et de collaborer pleinement avec les Procédures spéciales de l’ONU en matière de droits de l’Homme. Il est ainsi demandé au Vietnam d’inviter de façon permanente le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression et le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme pour des visites in situ avec plein et libre accès à toute personne qu’ils souhaiteraient consulter.

Lors des débats sur la résolution, le Vice-Président du Parlement Européen Pavel Telička s’est dit « choqué » de la lettre envoyée à tous les députés par la mission vietnamienne auprès de l’Union Européenne. Les autorités vietnamiennes cherchaient à y dissuader le Parlement Européen de voter la résolution, niaient en bloc toutes les atteintes aux droits de l’Homme et justifiaient les condamnations de Nguyễn Ngọc Như Quỳnh et Nguyễn Văn Hoá. La première y était accusée d’agir en relation avec une organisation « terroriste ». Quant à Nguyễn Văn Hoá, il a prétendument « reconnu ses méfaits », ce à quoi la résolution a répondu qu’« aucune déclaration obtenue sous la torture ou autres mauvais traitements ne constitue une preuve pour condamner des personnes accusées de propagande ou d’autres charges à caractère politique ».

 

 

(1) Groupe du Parti populaire européen (Démocrates-Chrétiens) (PPE), Groupe des Conservateurs et Réformistes européens (ECR), Groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ALDE), Groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen (S&D), Groupe des Verts/Alliance libre européenne (Verts/ALE)

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