PARIS, 31 juillet 2017 (VCHR) – Le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme (VCHR) condamne très fermement l’arrestation des quatre militants des droits de l’Homme ce dimanche 30 juillet dans ce qui n’est qu’une escalade de la répression contre les libertés d’expression, d’association et de religion au Vietnam. Phạm Văn Trội, le Pasteur Nguyễn Trung Tôn, Trương Minh Đức et Nguyễn Bắc Truyển sont poursuivis pour subversion, qui est punie par l’article 79 du Code pénal vietnamien à des peines allant jusqu’à la détention perpétuelle et la peine de mort.

Le 30 juillet 2017, le Ministère de la Sécurité publique a annoncé en ligne que six personnes seraient poursuivies dans le cadre de l’affaire « des activités visant à renverser le gouvernement du peuple par Nguyễn Văn Đài et ses complices ». Outre les quatre arrêtées ce dimanche, les deux autres personnes concernées sont l’avocat des droits de l’Homme Nguyễn Văn Đài et son assistante Lê Thu Hà. Tous deux sont déjà en détention depuis le mois de décembre 2015 mais pour « propagande contre la République Socialiste du Vietnam » (article 88 du Code pénal). L’annonce de ce jour fait craindre qu’ils seront dès lors inculpés pour le crime bien plus grave de la subversion de l’article 79.

« Les arrestations d’aujourd’hui, dans la foulée des lourdes condamnations de Nguyễn Ngọc Như Quỳnh et Trần Thị Nga, démontrent la sinistre détermination du Vietnam à anéantir le mouvement pour les droits de l’Homme une bonne fois pour toute » a dit le Président du VCHR Võ Văn Ái. « En jetant en prison ces défenseurs dévoués des droits de l’Homme, le Vietnam vise à décapiter ce mouvement. Le Vietnam devrait immédiatement relâcher ces détenus et mettre un terme à cette répression délirante ».

Le pasteur Nguyễn Trung Tôn, Phạm Văn Trội, Trương Minh Đức et Nguyễn Bắc Truyển

Le pasteur Nguyễn Trung Tôn, Phạm Văn Trội, Trương Minh Đức et Nguyễn Bắc Truyển

Les arrestations de ce dimanche ont été effectuées dans le cadre d’une opération particulièrement bien coordonnée et impliquant des dizaines de policiers. Phạm Văn Trội a été appréhendé à son domicile à Hanoi, le pasteur Tôn à Thanh Hoá et Trương Minh Đức à Ho Chi Minh Ville alors que sa femme et lui-même achetaient des médicaments à côté de chez eux. Les policiers les ont jetés dans une voiture et conduits au Bureau des Enquêtes de la Police sis au 235 rue Nguyễn Văn Cừ, où leur a été lu le mandat d’arrêt justifiant l’arrestation de Trương Minh Đức pour « activités visant le renversement du gouvernement du peuple ». Sa femme, Nguyễn Thị Kim Thanh, a rapporté que le mandat était daté du 27 juillet. Elle en a demandé une copie, mais la police la lui a refusée. Nguyễn Bắc Truyển a également été arrêté à Ho Chi Minh Ville ce dimanche. La police a perquisitionné les domiciles de chacun et confisqué un certain nombre de documents et effets personnels.

Tous les quatre sont d’anciens prisonniers politiques détenus pour leurs activités en faveur des droits de l’Homme criminalisées par les dispositions vagues sur la « sécurité nationale » du Code pénal. Phạm Văn Trội, né en 1972, avait été condamné, en 2009, à 4 ans de prison et 4 ans de résidence surveillée pour « propagande contre la République Socialiste du Vietnam » (article 88 du Code pénal) après que lui et d’autres avaient protesté contre les incursions chinoises dans les îles disputées des Paracels et Spratley. Le pasteur Nguyễn Trung Tôn, né en 1971, avait, lui, été condamné à 2 ans d’emprisonnement et 2 ans de résidence surveillée, en 2011, pour les mêmes charges. Il est le président de l’association non-officielle Fraternité pour la Démocratie (Hội Anh Em Dân Chủ) fondée par Nguyễn Văn Đài. En février 2017, le pasteur Tôn avait été enlevé et sauvagement tabassé par des voyous à la solde des autorités, et subissait des harcèlements répétés depuis. Trương Minh Đức, né en 1960, est journaliste, ancien correspondant pour les titres de la presse officielle comme Tuổi Trẻ, Thanh Niên and Pháp Luật, et activiste en faveur des droits des travailleurs. Arrêté en 2007 pour avoir écrit des articles dénonçant la corruption de l’administration, il avait été condamné à 5 ans de prison pour « abus des libertés démocratiques pour nuire aux intérêts de l’État » (article 258 du Code pénal). Nguyễn Bắc Truyển, né en 1968, dirige une association d’anciens prisonniers politiques et religieux, et a purgé une peine de 3 ans et demi d’emprisonnement (2006-2010) pour violation de l’article 88 du Code pénal.

En 2009, à la suite de la soumission de cas par le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme, le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire avait considéré que la détention de Phạm Văn Trội et Trương Minh Đức violait le droit international car leurs actions « ne constituaient que l’exercice pacifique du droit aux libertés d’assemblée, d’opinion et d’expression ».

Cette vague d’arrestations constitue un nouveau pic dans l’escalade de la répression contre les défenseurs des droits de l’Homme, les blogueurs, les militants de la société civile et les fidèles des religions indépendantes qui a lieu au Vietnam ces derniers mois. Durant les seuls mois de juin et juillet 2017, le Vietnam a ainsi mis en détention, déporté ou exilé les personnes suivantes : Les célèbres blogueuse Nguyễn Ngọc Như Quỳnh et défenseuse des droits de l’Homme et des droits sociaux Trần Thị Nga ont été respectivement condamnées à 10 et 9 ans de prison (les 29 juin et 25 juillet) ; le dissident Lê Định Lượng a été arrêté à Nghệ An pour « subversion » (le 24 juillet) ; le dissident et ancien prisonnier politique franco-vietnamien Phạm Minh Hoàng a été déchu de sa nationalité vietnamienne et déporté en France (25 juillet). Si la libération avant l’heure du pasteur luthérien Nguyễn Công Chính, le 28 juillet, après 5 ans d’emprisonnement sur les 11 prévus, constitue un développement bienvenu, cette libération est conditionnée par son exil immédiat aux États-Unis. Le pasteur Chính devra purger le restant de sa peine si jamais il rentrait au Vietnam.

Cette répression est renforcée par l’utilisation que fait le Vietnam des lois pour réduire les marges de manœuvre de la société civile et criminaliser l’exercice des droits de l’Homme. Au mois de juillet 2017, le Ministère de l’Intérieur a rendu public un projet de décision prévoyant des sanctions, dont le paiement d’amendes allant jusqu’à 60 millions de Đôngs (2240 €), contre quiconque commettrait « des violations administratives dans le domaine des croyances ou de la religion ». Cette nouvelle réglementation, si elle était adoptée en l’état, mettrait virtuellement hors-la-loi toutes les activités des groupes religieux « non-reconnus » en exposant leurs membres à des peines et amendes exorbitantes.

« Le Vietnam utilise une législation répressive pour justifier sont interminable répression contre les dissidents et les défenseurs des droits de l’Homme », a dit le Président du VCHR Võ Văn Ái. Le Gouvernement devrait profiter de la révision en cours du Code pénal pour abroger les articles 79, 88 et 258, et retirer toutes les autres lois et réglementations qui entravent l’exercice de la liberté d’opinion, d’expression, d’assemblée pacifique, et de religion ou de croyance ».

 

 

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