PARIS, 29 avril 2015 (COMITE VIETNAM) – Le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme (CVDDH) a reçu une lettre urgente de Le Cong Cau, chef du Mouvement Bouddhiste de la Jeunesse (MBJ) au Vietnam, où il détaille le calvaire de l’intense « session de travail » avec la Sécurité qu’il a subi pendant 3 jours (22 au 24 avril 2015). C’est la seconde fois en un mois que Le Cong Cau est victime de harcèlement grave de la part de la police (voir le communiqué du BIIB du 20 avril 2015). Le Cong Cau, qui est également Secrétaire général de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV), en a appelé au CVDDH pour soulever son cas auprès du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU et en particulier du Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, le Dr Heiner Bielefeldt, qui l’avait rencontré en juillet 2014, lors de sa visite au Vietnam.
Dans sa lettre, Le Cong Cau rapporte que l’interrogatoire trouve sa cause dans sa visite au Patriarche de l’EBUV Thich Quang Do à Saigon (Ho Chi Minh Ville), les 18-19 avril 2015. A son retour à Hué, la police est venue à son domicile pour connaître la teneur de ses discussions avec les dignitaires de l’EBUV et des ordres qu’il avait reçus. Bien que Le Cong Cau ait répondu que sa visite était de courtoisie pour s’enquérir de l’état de santé du Patriarche, la Sécurité l’a convoqué au poste de police du district de Truong An (Hué) pour qu’il fasse son rapport le 22 avril.
Durant la première journée de son intense « session de travail » (làm việc, euphémisme policier pour interrogatoire), les policiers lui ont montré 17 lettres et documents de l’EBUV et l’ont accusé de les avoir écrits et disséminés sur internet. Très agressifs, ils ont exigé des informations sur les activités de l’EBUV, en particulier depuis le décès du deuxième dignitaire de l’EBUV, le Vénérable Thich Nhu Dat, le 26 février 2015. Ils ont fait pression pour qu’ils donnent des détails sur le Vénérable Thich Thanh Quang qui réside à Danang et est devenu le deuxième dignitaire par interim de l’EBUV, sur la composition de l’équipe dirigeante de l’EBUV ainsi que sur tous les responsables des 20 Comités provinciaux de l’EBUV, sur les activités du Mouvement Bouddhiste de la Jeunesse ainsi que sur celles de l’EBUV à l’étranger. Le Cong Cau a répondu qu’il n’avait rien à cacher mais qu’il s’agissait là des affaires internes de l’EBUV. Il a continué en disant que, bien que non reconnue par le gouvernement actuel, l’EBUV était forte d’une histoire de 2000 ans au Vietnam. L’EBUV et son Mouvement Bouddhiste de la Jeunesse avaient donc continué et continueraient de fait leurs activités, en dépit des harcèlements et persécutions continuels. Les policiers ont rétorqué que l’EBUV était une organisation illégale et que seul le Sangha Bouddhiste du Vietnam (Eglise officielle) était reconnu par l’Etat.
Le jour suivant, les policiers ont menacé sans ménagement Le Cong Cau, lui disant qu’ils possèdaient un dossier complet sur lui et qu’ils pouvaient l’arrêter et le poursuivre quand ils le voulaient. Ils lui ont rappelé qu’il avait ignoré de façon répétée les ordres de renoncer à l’EBUV et que son soutien à l’EBUV constituait des activités anti-Etat et anti-Parti. Par ailleurs, en dénonçant le Sangha Bouddhiste du Vietnam, il se rendait coupable de délit de « créer la division » entre les croyants religieux et était passible de condamnations allant jusqu’à 15 ans de prison aux termes de l’article 87 du Code pénal vietnamien. Le Cong Cau s’est défendu, arguant du fait que son adhésion à l’EBUV ne pouvait être considérée comme « anti-Etat » puisque le gouvernement n’avait jamais promulgué d’ordre formel interdisant cette Eglise. C’est alors que les policiers ont répliqué : « Nous n’avons pas besoin d’ordre. L’EBUV est illégale et c’est tout ! »
Durant la troisième journée de « travail », Le Cong Cau a été interrogé par un haut-cadre de la Sécurité, M. Thoan, Directeur adjoint du Département PA88 de la police, en charge des religions. Celui-ci a confirmé les charges retenues contre lui lors des deux séances précédentes, et présenté un autre document selon lequel, en 2014, alors que le Parti Communiste sondait l’opinion publique sur la nouvelle Constitution, Le Cong Cau avait demandé l’abolition de l’article 4 sur le monopole du pouvoir du Parti Communiste. Ce document prouvait, selon M. Thoan, que Le Cong Cau était engagé dans des activités « anti-Parti ». Le Cong Cau a répondu qu’en appelant au pluralisme, il ne faisait qu’exercer son droit constitutionnel à la liberté d’expression.
A l’issue de cet interrogatoire de 3 jours, M. Thoan a conclu par des menaces : « Thich Thanh Quang, vous et tous les autres, d’un coup je peux mettre fin, une bonne fois pour toute, à toutes vos activités ! »
La situation très difficile dans laquelle se trouve Le Cong Cau est tout à fait significative des dangers et de l’insécurité permanente dans laquelle vivent les croyants au Vietnam, en particulier ceux qui appartiennent aux religions « non-reconnues » comme l’EBUV. Le Dr Heiner Bielefeldt, Rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté de religion ou de conviction, avait souligné cet état de fait dans son rapport sur sa visite au Vietnam en juillet 2014, en notant que l’autonomie et les activités des groupes non-reconnus « demeuraient restreintes et dangereuses, dans la mesure où les droits à la liberté de religion ou de conviction de ces communautés étaient largement violés, avec une surveillance constante, des actes d’intimidation, de harcèlement et des persécutions ».
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