GENEVE, 4 juillet 2019 (VCHR) – S’exprimant au nom de la FIDH et du Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme (VCHR) devant la 41e session du Conseil des Droits de l’Homme, le Président du VCHR Võ Văn Ái s’est alarmé du « fossé béant » qui existe entre les rapports et déclarations du Vietnam à l’intention de l’ONU et « l’effroyable réalité que vivent chaque jour les Vietnamiens ». Pour lui, le Vietnam profite de l’Examen Périodique Universel (EPU) pour désinformer la communauté internationale sur les graves violations des droits de l’Homme.

Sur les 291 recommandations faites par les États membres lors de l’EPU du Vietnam en janvier 2019, le Vietnam n’en a accepté, en tout ou partie, que 241 (près de 83%). Mais, plus essentiel, il a catégoriquement rejeté les 50 recommandations clés qui demandaient une action prompte et concrète pour améliorer la situation des droits de l’Homme.

« Ce sont les réserves et le rejet de 50 recommandations qui révèlent l’essentiel : Le Vietnam n’a pas la volonté politique de mettre fin aux graves violations des droits civils et politiques », a dit Võ Văn Ái au Conseil des Droits de l’Homme.

Mardi, la FIDH et le VCHR avaient rendu public une analyse conjointe et détaillée des réponses du Vietnam à l’EPU et dénoncé le refus du gouvernement d’engager des réformes pour améliorer la situation des droits de l’Homme.

Les 50 recommandations, que le Vietnam a rejetées, exigeaient la libération de tous les défenseurs des droits de l’Homme, blogueurs, militants politiques et religieux détenus pour l’expression non-violente de leurs opinions et croyances ; la poursuite des auteurs de violences et d’actes d’intimidation contre les défenseurs des droits de l’Homme ; l’autorisation pour les organismes indépendants de contrôle d’inspecter les conditions de détentions dans les prisons et camps vietnamiens ; la levée de toutes les restrictions sur la liberté d’opinion et d’expression, en ligne ou hors ligne ; et l’autorisation de journaux indépendants.

Ont également été rejetées les recommandations d’amender la lois sur la cybersécurité, la loi sur la presse, la loi sur la croyance et la religion et le Code pénal pour garantir la liberté d’expression et la liberté de religion ou de conviction ; de travailler avec les entreprises et la société civile sur un plan d’action pour mettre en œuvre les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme ; d’accepter la visite du Rapporteur spécial sur la torture ; d’initier un moratoire sur la peine de mort ; de ratifier la Convention 87 de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical.

Mr. Ái a dénoncé en particulier le refus du Vietnam d’accepter les demandes de nombreux États de réviser ou abroger les dispositions vagues du Code pénal sur la « sécurité nationale » qui sont « la clef de voûte de toute la répression au Vietnam ».

Pour justifier son refus d’amender la loi sur la cybersécurité et la loi sur la croyance et la religion, le Vietnam a prétendu que la population avait été « largement consultée » avant leur adoption. En réalité, des dizaines de milliers de manifestants ont demandé, en juin 2018, le retrait de la loi sur la cybersécurité qui restreint très gravement la liberté sur internet. Cette loi n’en avait pas moins été adoptée et des centaines de manifestants avaient été arrêtés et condamnés. Il y a juste une semaine, le 28 juin,  Trương Hữu Lộc a ainsi été condamné à  huit ans de prison pour avoir pris part aux protestations non-violentes.

De même, le gouvernement vietnamien n’a prêté aucune attention aux fermes protestations des communautés religieuses contre la loi sur la croyance et la religion. Depuis l’entrée en vigueur de ce texte, en janvier 2018, la répression contre toutes les communautés religieuses s’est intensifiée au Vietnam, en particulier contre les groupes non-reconnus comme l’Église Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV), certaines Églises protestantes à domicile, les Hòa Hảo, Cao Đài, bouddhistes khmers krom, etc..

Sans surprise, le Vietnam a rejeté la recommandation de la République Tchèque appelant à « poser les bases du pluralisme politique et de la démocratie et garantir aux citoyens le plein exercice du droit de vote, du droit d’être élu et du droit de prendre part à la direction des affaires publiques ». Elle figure parmi les sept recommandations considérées par le régime de Hanoi comme « polémiques », « inexactes » ou « déplacées » au regard du droit des peuples à l’auto-détermination.

« De quelle autodétermination parle-t-on ? Comment Hanoi peut-il savoir ce que veut le peuple vietnamien s’il lui refuse l’idée même de lui permettre de s’exprimer et de participer librement aux affaires publiques ? » a réagi Võ Văn Ái.

Pour finir, M. Ái a dédié son intervention à Thích Quảng Độ, Patriarche de l’EBUV (non-reconnue), et à tous les défenseurs des droits de l’Homme au Vietnam. Thích Quảng Độ, aujourd’hui âgé de 92 ans, a passé des décennies en détention du fait de son engagement pour les droits de l’Homme, la démocratie et la liberté de religion ou de conviction.

Intervention orale
sur le point 6 de l’ordre du jour du Conseil des Droits de l’Homme
(adoption du rapport sur l’EPU du Vietnam)
lue par le Président du VCHR Võ Văn Ái

 

 

Monsieur le Président,

La FIDH et le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme s’alarment du fossé béant entre le discours du Vietnam et l’effroyable réalité que vivent chaque jour les Vietnamiens.

Le Vietnam d’aujourd’hui, c’est près de 130 prisonniers de conscience, soit un tiers de plus que l’an dernier,

C’est une répression généralisée des manifestations pacifiques, y compris par des voyous à la solde des autorités.

Ce sont des persécutions religieuses journalières.

Ce sont les harcèlements, les arrestations et les peines de prison exorbitantes contre les défenseurs des droits de l’Homme.

C’est encore, l’adoption à la chaîne de lois et règlements liberticides, comme la loi sur la croyance et la religion, la loi sur la cybersécurité et la loi sur la presse.

Certes, le Vietnam a accepté 83% des recommandations, mais ce sont les réserves et le rejet de 50 recommandations qui révèlent l’essentiel : Le Vietnam n’a pas la volonté politique de mettre fin aux graves violations des droits civils et politiques.

Tout d’abord, il refuse pratiquement toute discussion sur la « sécurité nationale » qui est la clef de voûte de toute la répression au Vietnam, et il rejette toutes les recommandations de protéger les défenseurs des droits de l’Homme ou d’amender les lois incompatibles avec les droits humains.

Ensuite, il se dissimule derrière de prétendues « circonstances du Vietnam » pour ne pas appliquer la Convention contre la Torture.

Ensuite encore, le gouvernement vietnamien rejette les recommandations dont les termes seraient (je cite) « polémiques ».

Or si nous lisons bien, ces termes, sont, entre autres, « défenseurs des droits de l’Homme », « principes de Paris », « abolir la censure », « médias indépendants », ou encore « pluralité politique et démocratie ».

Enfin, contrairement à ce qu’il affirme, le Vietnam ne collabore pas pleinement avec le Rapporteur spécial sur la liberté d’opinion et d’expression. Celui-ci attend depuis 2002 une réponse à sa demande de visite.

Nous dédions cette intervention à Thich Quang Do et à tous les autres défenseurs vietnamiens des droits de l’Homme.

Merci, Monsieur le Président.

 

 

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