PARIS, 8 octobre 2018 (BIIB – VCHR) – Le Bureau International d’Information Bouddhiste (BIIB) fait part auprès de la communauté internationale de sa profonde préoccupation concernant le dissident bouddhiste et Patriarche de l’Église Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV) Thích Quảng Độ qui a dû embarquer, vendredi 5 octobre 2018 à 9 heures du matin, sur un train à destination de la province septentrionale de Thái Binh après avoir été expulsé du Monastère Zen Thanh Minh à Saigon.

 

Le Patriarche de l’EBUV Thích Quảng Độ lisant un communiqué du BIIB dans sa chambre du Monastère Zen Thanh Minh à Saigon, le 3 septembre 2018

Le Patriarche de l’EBUV Thích Quảng Độ lisant un communiqué du BIIB dans sa chambre du Monastère Zen Thanh Minh à Saigon, le 3 septembre 2018

 

Selon les informations du BIIB, Thích Quảng Độ a été forcé de quitter le Monastère Zen Thanh Minh sis 90 rue Trần Huy Liệu, arrondissement de Phú Nhuận à Saigon, à la suite des pressions du Bonze Supérieur du Monastère Thích Thanh Minh. Le 15 septembre 2018, Thích Thanh Minh a « invité » Thích Quảng Độ à quitter les lieux au prétexte que sa présence causait des problèmes politiques et économiques au monastère. Thích Quảng Độ est immédiatement parti, ne prenant avec lui qu’une petite valise avec trois robes de bonze. Lorsque son assistant est revenu dans la journée pour prendre ses soutras, livres et autres biens, Thích Thanh Minh avait déjà fermé à clef l’accès à l’escalier menant à sa chambre. Il a empêché le jeune bonze de prendre la moindre affaire. Depuis lors, Thích Quảng Độ, âgé de 91 ans, a erré de pagode en pagode à Saigon, ne disposant d’aucun domicile fixe.

Le Monastère Zen Thanh Minh, où le Patriarche de l’EBUV était jusqu’alors en résidence surveillée sans charge depuis 2003, n’appartient pas à l’EBUV mais à l’Église d’État, le Sangha Bouddhiste du Vietnam. C’est parce que Thích Thanh Minh était un ami de longue date que Thích Quảng Độ était venu chez lui après 1975, lorsque sa propre pagode avait été confisquée par l’État. En dépit de sa résidence surveillée, Thích Quảng Độ avait continué à soulever haut et fort la question de la liberté de religion ou de conscience et des droits de l’Homme. Afin de l’isoler des fidèles de l’EBUV, les autorités ont fait pression pour qu’il s’installe à la Pagode Vĩnh Nghiêm à Saigon qu’elle contrôle, ou dans une pagode au nord du pays. Le Patriarche de l’EBUV avait toujours refusé de partir à moins que Thích Thanh Minh ne lui demande lui-même… ce qu’il a fait le 15 septembre 2018.

Lors d’une conversation téléphonique avec le Directeur du BIIB Võ Văn Ái, le Patriarche de l’EBUV a fait part de sa décision d’aller dans son village natal dans le district de Tiền Hải, dans la province de Thái Bình, au nord du Vietnam. « Ne vous inquiétez pas, je n’abandonnerai jamais l’EBUV. Le titre de Patriarche est à vie ! Je défendrai l’EBUV jusqu’à mon dernier souffle, et c’est ce que vous devez faire aussi ! »

Le BIIB n’en est pas moins préoccupé par la situation de ce grand leader bouddhiste qui a payé un prix démesuré pour son combat non-violent pour défendre la liberté de religion ou de conviction, les droits de l’Homme et la démocratie. Il ne fait pas de doute que, dans cette province reculée du nord, ses accès aux communications avec le monde extérieur, aux soins médicaux et aux fidèles de l’EBUV seront des plus limités.

 

Entrée de la gare de Saigon, 5.10.2018

Entrée de la gare de Saigon, 5.10.2018

 

Le Patriarche de l’EBUV Thích Quảng Độ dans le train à destination de la province de Thái Bình dans le nord du Vietnam, at 9h00 du matin le 5 octobre 2018

Le Patriarche de l’EBUV Thích Quảng Độ dans le train à destination de la province de Thái Bình dans le nord du Vietnam, at 9h00 du matin le 5 octobre 2018

 

Biographie : Le très Vénérable Thích Quảng Độ est né le 27 novembre 1928 dans la province de Thái Binh. Patriarche de l’Église Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV, Église historique et indépendante, non-reconnu par le gouvernement) depuis 2008, thích Quảng Độ est un avocat de longue date de la démocratie, de la liberté religieuse et des droits de l’Homme.

Bonze depuis l’âge de 14 ans, Thích Quảng Độ a été le témoin de l’exécution sommaire de maître religieux par un tribunal populaire révolutionnaire en 1945. Profondément marqué par cet événement, il a décidé de vouer sa vie à la poursuite de la justice au travers des enseignements bouddhiques de non-violence, de tolérance et de compassion.

De manière répétée, les autorités vietnamiennes ont ciblé, harcelé et détenu Thích Quảng Độ à la fois pour sa foi et pour ses plaidoyer en faveur de la liberté religieuse et les droits de l’Homme : En 1977-78, il est détenu 20 mois en isolement dans la prison de Phan Đang Lưu à Saigon pour avoir dénoncé les violations des droits humains ; de 1982 à 1992, il en exil intérieur pour ses protestations contre la création d’une Église bouddhiste d’État et l’interdiction de l’EBUV ; en août 1995, il est condamné à 5 ans d’emprisonnement dans les prisons de Ba Sao et de Thanh Liệt près de Hanoi sous prétexte d’« abus des libertés démocratiques pour nuire aux intérêts de l’État » pour avoir mené une mission d’aide humanitaire en faveur des victimes des inondations. Libéré en 1998 grâce à l’intervention de la Secrétaire d’État américaine Madeleine Albright, mais pressé par les autorités d’émigrer au États-Unis, Thích Quảng Độ a refusé cet exil et décidé de rester au Vietnam.

En 2001, il a lancé un « Appel pour la Démocratie au Vietnam », un plan de transition démocratique qui a reçu le soutien massif de plus de 300.000 Vietnamiens et de centaines de personnalités internationales. A cause de cet appel, il a été détenu incommunicado dans le Monastère Zen Thanh Minh pendant deux ans et privé de soins médicaux.

Durant une brève période de répit, débutant en juin 2003, Thích Quảng Độ a tenté de participer à une Assemblée de l’EBUV appelée par le Patriarche d’alors Thích Huyền Quang. Mais en octobre 2003, les autorités l’ont accusé de « possession de secrets d’2tat » et de nouveau confiné dans le Monastère Zen Thanh Minh, où il est depuis lors assigné à résidence sous étroite surveillance.

En dépit de sa résidence surveillée, il a continué ses actions et ses appels, aidant le mouvement des paysans victimes d’injustice (Dân Oan) qui protestent contre la confiscation de leurs terres (2007) ; exprimant sa solidarité avec les mouvements démocratiques en Birmanie et au Tibet (2008) ; lançant une campagne de Désobéissance civile pour mettre fin aux atteintes à l’environnement de l’exploitation de la bauxite sur les Hauts-Plateaux (2010) ; soutenant les milliers de jeunes gens qui manifestaient à Hanoi et Saigon contre les incursions chinoises en territoire vietnamien (2011) ; appelant à une démocratie multi-partis et à l’abrogation de l’article 4 de la Constitution sur le monopole du Parti Communiste lors de la consultation organisée par le gouvernement sur la révision constitutionnelle (2013) ; lançant un appel pour un « vaste mouvement pour la démocratisation du Vietnam » comme le seul moyen de protéger la souveraineté vietnamienne (2014). Ces efforts lui valu des interrogatoire répétés, des harcèlements et des accusations de « violation de la sécurité nationale ».

Thích Quảng Độ a été proposé 16 fois pour le Prix Nobel de la paix. En novembre 2015, 91 personnalités internationales, incluant des quatre Prix Nobel de la Paix, ont signé une lettre au Président Obama l’appelant à intervenir pour sa libération. Thích Quảng Độ a été récompensé du Prix à la Mémoire du Professeur Thorolf Rafto en 2006 pour son rôle de « force unificatrice » et de « symbole du mouvement démocratique grandissant au Vietnam », le « Democracy Courage Tribute » du Mouvement Mondial pour la Démocratie en en 2006, et, en 2003, le Prix « Homo Homini » de la Fondation Tchèque People In Need sous les auspices du Président Vaclav Havel. Il est membre honoraire de PEN International et a été adopté comme prisonnier de conscience par Amnesty International. Le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire a considéré que la détention de Thích Quảng Độ constituait une violation du droit international (Avis 18/2005)

En avril 2018, le Représentant au Congrès américain Alan Lowenthal et la Vice-Présidente de Commission Américaine sur la Liberté Religieuse Internationale (USCIRF) ont adopté Thích Quảng Độ comme prisonnier de conscience dans le cadre du « Defending Freedoms Project » de la Commission des Droits de l’Homme Tom Lantos du Congrès américain.

 

 

 

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